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Penser différemment

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Penser différemment

Est-il possible aujourd’hui de penser différemment de la masse des individus ?

Le conformisme est-il un processus répandu et difficile à contrer par l’individu ?

Deux questions d’une importance fondamentale, le conformisme et la liberté de pensée attendent des solutions possibles, si nous voulons concevoir la société de demain le plus tôt possible.

  1. Commençons l’analyse en abordant le problème du conformisme endémique.

La société humaine a toujours été caractérisée par une forte attitude « grégaire » qui rappelle le concept de vie collective et de groupe.

Comme chacun le sait, ce comportement tire sa motivation principale de la nécessité de défendre les individus contre les dangers liés à l’environnement.  La naissance de la « tribu » est inspirée par la conscience que « l’union fait la force ». Et non seulement pour faire face aux adversités de la nature, souvent si imprévisibles et préserver ou non la survie des individus, mais aussi pour préparer une organisation sociale qui assure solidarité et communion d’objectifs, relations sociales et échange d’expériences, défense contre des attaques extérieures par des animaux dangereux ou d’autres groupes humains.

Dans de tels contextes, même primitifs, naissent les premières formes de spécialisation du travail et d’attribution des tâches personnelles dans le groupe auquel elles appartiennent, en grande partie sur la base de leurs prérogatives naturelles et donc de leurs mérites et capacités particulières.

En fait, le principe méritocratique était respecté puisqu’il s’agissait de questions de survie : il était évident qu’un homme non doté d’une force, d’une habileté et d’un courage particuliers à manier les armes ne pouvait assumer le rôle de « guerrier » (à titre d’exemple seulement) ; ou celui de « chaman », si on ne pouvait pas acquérir  une compétence spécifique en matière de médecine naturelle.

Néanmoins, dans ces groupes sociaux, une certaine forme de conformisme s’est manifestée, qui venait surtout de la nécessité de reconnaître et de respecter les différents rôles de chacun au sein du groupe. Il en est résulté une série de facteurs comportementaux bien définis qui ont également affecté les créateurs de vêtements, de coiffure et autres.

En y regardant de plus près,  dans la société contemporaine, le conformisme ne joue pas nécessairement le même rôle.

En fait, aujourd’hui, dans certains cas, une attitude de rejet prévaut à l’égard de l’acceptation de l’autorité sous toutes ses formes : de celle des parents et des enseignants (enseignants), à celle de l’État et des institutions en général. L’attitude dérive d’un besoin indéterminé de liberté, qui est inversé et transféré au comportement extérieur, au social et à l’individu.

L’homme perçoit en lui-même l’absence de conditions de liberté substantielle, qui découle cependant de son attitude intérieure de manque de libre pensée, de sens autonome de direction dans la vie, d’être en fait dépassé par les pensées dominantes du groupe et soumis à leur influence.  

Cette forme moderne de conformisme est sournoise et dangereuse, contrairement à la société tribale, puisqu’elle naît d’un faux sentiment d’adhésion et de solidarité envers le groupe ; et en effet, la sécurité des conditions existentielles ne découle pas en réalité du conformisme de pensée ou du partage des mêmes idéaux, mais du respect des prérogatives des autres basées sur la loi naturelle et sur le droit de l’Etat.

La conformation dans la façon de s’habiller ou de faire du sport et de choisir des loisirs, par exemple, n’est en aucun cas liée à la sécurité de l’individu et du groupe, ainsi que les questions relatives à l’alimentation ou à la manière (formelle) de traiter avec les autres.

Dans de tels cas, une autre forme d’insécurité naît et se manifeste chez l’individu : celle de ne pas pouvoir se référer à ses semblables comme une personne spéciale et différente, avec son propre bagage de sensibilité, de prérogatives et d’expériences, que la loi de la création a bien appris à être fortement divergente entre individus.

En réalité, cette attitude conformiste cache la peur du rejet, c’est-à-dire de la non-acceptation par les autres. Cette peur de l’affirmation se traduit par une intolérance envers le différent, c’est-à-dire envers ceux qui montrent une personnalité bien définie et qui sont sûrs d’eux, d’où découle une pensée autonome et une capacité de jugement.

Ces individus non conformistes sont donc souvent dénigrés et, pour certains mécanismes, isolés de la majorité.

Le pouvoir dominant (régime politico-économique) utilise à son avantage de telles graves carences individuelles qui se traduisent dans une société fortement influencée par ses propres désirs, pensées, jugements, préférences, et donc comportements et attitudes (Leonard CH.).

Il en découle une puissante action de désinformation qui se traduit par de la propagande, dans le seul but de diriger les choix électoraux et les jugements des individus de manière à favoriser l’action des dirigeants, orientée vers le renforcement de leurs intérêts économiques et politiques (Lakoff G. ; Bartels L.).

Une vaste littérature s’est développée sur le mécanisme des perceptions incorrectes et la façon de les gouverner (voir Benabou et Ok ; Charles et Hurst ; Keister L.A. ; Cavaille CH.).

Mais l’activité d’influence ne se limite pas seulement au domaine politique et au domaine social en général, mais s’étend jusqu’au point de conditionner fortement les attitudes de consommation des citoyens ainsi que celles d’investissement de leur épargne (voir à cet égard, Shleifer A. et Shefrin H. ; Solomon A. ; Burnam T. ; Galbraith J. K.).

La conséquence en est la transformation de la société en un grand marché pour la consommation de choses inutiles, en respectant la nécessité d’atteindre de véritables normes de qualité de la vie économique et du bien-être personnel, et de renforcer l’aspect du conformisme, le premier élément sous-jacent à la transformation (jusqu’alors réussie) du travailleur producteur en consommateur conscient, comme acheteur des biens largement inutiles (voir, Kessler D., Lazonik W. ; Fox J.).

S’habiller est le résultat d’une mode du moment, tout comme se nourrir d’une certaine manière, fréquenter les gymnases et les discothèques, acheter des voitures et des téléphones portables, etc.

Penser autrement, c’est plutôt s’opposer à toute cette souffrance, de manière inconsciente, à la pression publicitaire, propagandiste et désinformative.  Le résultat pour ceux agissent ainsi est la preuve d’une attitude non-conformiste.

  1. Mais il y a un autre domaine de la vie quotidienne, individuelle et sociale, qui exige une capacité à penser autrement.

Et celui-là est de nature très intellectuelle.

En fait, à y regarder de plus près, on constate que dans les domaines de la science et de la culture en général, il existe un fort conformisme de pensée, ce qui indique également une incapacité substantielle à formuler un jugement autonome.

Les universitaires et les chercheurs en général sont prisonniers des formes mentales construites au cours des années d’activité et qui sont fortement conditionnées par les opinions dominantes qui excellent dans l’environnement de référence.

Dans de tels contextes, nous assumons une attitude conformiste de la pensée, qui conduit au rejet de toute hypothèse théorique qui contraste avec nos propres convictions, dans une sorte de mécanisme automatique de rejet des propositions des autres.  

C’est comme si le conformisme mental actuel se défendait, rejetant toute hypothèse contraire a priori, sans le développement d’aucune activité réelle d’analyse et cognitive qui puisse réellement soutenir l’attitude de négation des hypothèses et conclusions des autres (voir à cet égard Galbraith J.K et autres).

Ce mécanisme est décrit dans la littérature comme le phénomène de l’erreur de confirmation, une sorte de polarisation des opinions, selon laquelle les gens ont tendance à penser que les études et la recherche en accord avec leurs formes mentales sont plus convaincantes que celles en contraste (voir Lord, Ross et Lepper).  Certains auteurs définissent ce phénomène comme une fiction d’équilibre (Stiglitz et Hoff).

On comprendra donc que cette situation est tout à fait indésirable, puisque le conformisme se cache là où il ne devrait pas, c’est-à-dire dans les domaines de la science, de la recherche et de l’étude, ou dans les activités qui sont la base du progrès.

C’est pourquoi certains chercheurs vont jusqu’à affirmer que la science a « … ses dogmes… », il n’y a rien de plus grave.  

La science n’est pas une religion qui impose sa propre croyance et qui en conséquence ne peut utiliser que des dogmes.

Au contraire, la recherche et ses résultats doivent être constamment remis en question, condition essentielle au progrès des connaissances humaines.

Par conséquent, penser autrement est l’impératif de tous les hommes qui veulent se racheter d’une condition d’ignorance et d’absence substantielle de liberté et la condition préalable à la connaissance de la vérité.

Une pensée ancienne affirme que « …l’esprit tue le réel… ».